« Un Taxi pour l’avenir, des emplois pour la France »[1]. C’est là le titre, presque romanesque, du rapport du député Thomas Thévenoud remis en avril 2014 au Premier Ministre. Ce rapport était destiné à alimenter le débat législatif sur la réforme du statut des taxis et des VTC. Il est devenu aujourd’hui une proposition de loi dont l’entrée en vigueur est attendue pour le début de l’année 2015.
Le 10 juillet dernier, l’Assemblée Nationale a adopté une proposition de loi du député Thomas Thévenoud relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur[2]. Oui, vous avez bien lu, les voitures de tourisme avec chauffeur sont devenues des voitures de transport avec chauffeur. C’est là une première innovation terminologique introduite par la proposition de loi. Il est vrai que la nouvelle désignation semble mieux cerner la réalité des pratiques que recouvre ce nom puisqu’il s’agit bien essentiellement de services de transport de personnes et non spécifiquement de tourisme. Par ailleurs, cette nouvelle désignation s’explique aussi par l’inscription de cette nouvelle loi dans le cadre du Code des transports. Souci de cohérence, donc.
Le parcours législatif
D’emblée, rappelons qu’au jour où nous publions cet article la loi n’est pas entrée en vigueur. Elle est actuellement examinée, en deuxième lecture, par l’Assemblée Nationale. En raison des vacances parlementaires, elle ne sera examinée que le 10 septembre par la commission du développement durable et de l’aménagement du territoire[3].
Reste que le contenu de cette proposition a fait vivement réagir et comporte des modifications substantielles au régime juridique applicable aux taxis et VTC.
Un amendement polémique
Au cours des débats sur cette proposition de loi devant l’Assemblée nationale, un amendement polémique a été introduit et fait désormais partie de la proposition votée par l’Assemblé et validée par le Sénat[4].
Que dit cet amendement ? Il introduit un paragraphe additionnel à l’article 7 de la loi et dispose que « [d]ès l’achèvement de la prestation commandée au moyen d’une réservation préalable, le conducteur d’une voiture de transport avec chauffeur dans l’exercice de ses missions est tenu de retourner au lieu d’établissement de l’exploitant de cette voiture ou dans un lieu, hors de la chaussée, où le stationnement est autorisé. ». Ceci signifie que les voitures de transport avec chauffeur ont l’obligation légale, une fois leur course terminée, de retourner à leur base (c’est-à-dire le siège de l’entreprise pour laquelle ils travaillent ou leur domicile) ou bien de rejoindre un parking.
Les réactions n’ont pas été discrètes puisque les sociétés Snapcar, Chauffeur-privé, LeCab, Allocab et Supershuttle ont toutes estimé, dans un communiqué commun, que cet amendement menace leur profession, qu’il est dépourvu de rationalité économique ou écologique, et que son l’application serait très difficile à surveiller.
Il fait effectivement peu de doute à notre avis qu’au regard de la difficulté à identifier les VTC au sein du trafic urbain, et au nombre peu élevé de fonctionnaires désignés pour contrôler ces véhicules, l’application de ce texte serait difficile voire impossible.
Les dispositions-clé de la proposition de loi
Cette proposition de loi ne se résume pas à un amendement et contient plusieurs dispositions qu’il convient de présenter et analyser.
- Registre national de disponibilité des taxis
D’abord la loi crée, dans son article premier, un « registre national recensant les informations relatives à l’identification, à la disponibilité et à la géolocalisation des taxis » qui doit être géré par une autorité administrative chargée de traiter et mettre à disposition les données contenues dans ce fichier.
Sorte d’open data, ce registre à l’accès gratuit doit servir d’une part à recenser les taxis titulaires d’une licence et d’autre part, si les exploitants de taxi y participent, à géolocaliser les taxis en temps réel.
Tout l’intérêt de ce texte repose donc sur la volonté des exploitants de taxis à partager leurs données afin de permettre aux développeurs d’applications et entrepreneurs de proposer des solutions innovantes de mise en relation entre taxis et clients.
- L’obligation pour les taxis de disposer d’un terminal de paiement électronique
Le projet de loi dispose en son article 1er bis que les taxis doivent se munir obligatoirement d’un terminal de paiement électronique dans leur véhicule. Finis donc, pour l’usager, les désagréments liés au paiement en espèces.
- De possibles « signes distinctifs » pour les taxis
L’article 2 de la proposition de loi prévoit la possibilité pour les autorités administratives gérant la délivrance de licences de taxi de fixer des signes distinctifs pour les taxis, notamment une couleur unique.
Initiative qui va dans le sens des pratiques que nous voyons partout dans le Monde, mais qui, juridiquement, n’appelle aucun commentaire particulier.
- Délivrance de licences de taxi incessibles pour une durée de trois ans renouvelable
L’article 4 de la proposition de loi prévoit que des licences de taxi incessibles appelées « autorisations de stationnement », soient délivrées aux candidats inscrits sur liste d’attente et justifiant d’une activité de conducteur de taxi pendant au moins deux ans au cours des cinq ans précédant leur inscription sur liste d’attente. Ces licences seraient délivrées pour une durée de trois ans renouvelables.
L’objectif de ces licences incessibles est de lutter contre les pratiques déloyales de personnes n’exerçant pas la profession de taxi et s’inscrivant sur les listes d’attente déjà existantes afin de faire commerce des licences.
Nous remarquons également qu’une telle mesure permet également de garantir le niveau de prix des licences pour ceux en ayant déjà fait l’acquisition tout en augmentant le nombre de taxis. Une sorte de gagnant-gagnant en somme, puisque l’intérêt général d’augmentation du nombre de taxis et de limitation du commerce abusif de licences est assuré sans nécessairement réduire le coût des licences « cessibles » existantes, qui sont une source de revenus non négligeables pour les artisans taxi partant à la retraite.
- Nouvelles obligations pour les VTC
L’article 7 de la proposition de loi crée de nouvelles obligations à la charge des VTC, qui concernent tant les entreprises de transport que les centrales de réservation.
La modification notable consiste en l’obligation pour les intermédiaires mettant en relation des chauffeurs de VTC et les clients de s’assurer que les exploitants des VTC disposent d’une assurance responsabilité civile, d’une carte professionnelle et d’une inscription sur le registre recensant les exploitants de VTC.
- Monopole des taxis sur la maraude électronique
L’article 9 de la proposition de loi fait interdiction aux véhicules de transport avec chauffeur d’informer les clients « quel que soit le moyen utilisé, à la fois de la localisation et de la disponibilité, immédiate ou prochaine » d’un véhicule « quand il est situé sur la voie ouverte à la circulation publique sans que son propriétaire ou son exploitant soit titulaire d’une autorisation de stationnement ».
En termes non juridiques, cette mesure signifie que les VTC ont désormais interdiction d’utiliser des applications où les véhicules disponibles et circulant sur la voie publique sont visibles sur une carte interactive.
C’est là assurément une mesure très stricte et contraignante pour les VTC. Reste donc à suivre ses modalités d’application et les éventuels tempéraments qui pourraient y être apportés.
- Sanctions en cas de non-respect des règles relatives aux VTC
L’article 9 prévoit diverses sanctions pour les violations de la règlementation applicable aux VTC, allant de l’avertissement à l’emprisonnement en passant par le retrait de la carte professionnelle.
Droit du Partage » vous tiendra naturellement informés de l’évolution des débats autour de ce texte riche en nouveautés!
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[1] « Un taxi pour l’avenir, des emplois pour la France », rapport du député Thomas Thévenoud, avril 2014. [2] Assemblée Nationale, « Proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur », n°2046. [3] Le dossier législatif de la loi est consultable: http://www.assemblee-nationale.fr/14/dossiers/taxis_VTC.asp. [4] Sénat, « Proposition de loi relative aux taxis et aux voitures de transport avec chauffeur », n°742.
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