Archives mensuelles : mai 2016

L’économie collaborative à l’épreuve du droit de la consommation

L’intitulé de cet article est peut-être mal choisi. Inverser le titre aurait été possible : « Le droit de la consommation à l’épreuve de l’économie collaborative » ? Tout est question de perspective. C’est l’idée que nous développons dans notre livre : économie collaborative et règles juridiques sont dans une relation à double sens car les modèles économiques innovants défient les règles existantes en même temps qu’ils sont soumis à l’exigence de ne pas trop s’en éloigner au risque de compromettre leur sécurité juridique donc leur avenir.

Parmi les corps de règles qui concernent l’économie collaborative de manière transversale le droit de la consommation occupe une place de choix. Quelles règles s’appliquent-elles aux relations entre offreur et demandeur sur une plateforme collaborative ? Quel est le statut du demandeur et de l’offreur sur la plateforme ? A partir de quand parle-t-on d’un professionnel ?

Toutes ces questions, et bien d’autres, irriguent les réflexions des entrepreneurs du secteur, des utilisateurs et plus généralement de toutes les parties prenantes au développement de l’économie collaborative en France (citoyens, investisseurs et institutionnels). Elles sont très proches de la question fiscale, autre point de fixation car elles reposent toutes sur la difficile ligne à tracer entre activité occasionnelle et/ou privée et activité récurrente exercée pour les besoins d’une activité libérale ou commerciale.

Pour y répondre, le juriste n’est pas désarmé, bien que certaines règles méritent d’être précisées ou sont actuellement sujettes à évolution.

Quelles règles issues du droit de la consommation s’appliquent-elles aux relations entre offreur et demandeur sur une plateforme collaborative ?

En substance, le droit de la consommation s’applique aux relations entre professionnels et consommateurs, le postulat de base étant qu’elles sont déséquilibrées et qu’il convient de mettre à la charge des professionnels un certain nombre d’obligations (ainsi que des droits au bénéfice des consommateurs) pour corriger ce déséquilibre.

A titre d’exemple, le professionnel est tenu à des obligations d’information renforcées, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation ou encore il est fait interdiction d’avoir recours à des clauses abusives.

L’applicabilité de ces règles dans l’économie collaborative est intéressante puisqu’elle dépend du statut (ou « qualité ») de chaque partie :

  • Si l’offreur de biens/services est professionnel et que le demandeur est un particulier, alors les règles du droit de la consommation s’appliquent et gouvernent la relation entre les deux.
  • Si l’offreur et le demandeurs sont tous deux consommateurs ou tous deux professionnels, alors les règles du droit de la consommation ne s’appliquent a priori pas.

C’est dire si l’identification du statut de chaque partie aux transactions collaboratives est un enjeu central. Le Conseil National de la Consommation (CNC) ne s’y est pas trompé en rendant au mois de janvier 2016 un avis sur les plateformes numériques collaboratives qui formule la recommandation de faire figurer sur les plateformes le statut de l’offreur afin de donner davantage de lisibilité quant aux règles applicables à la transaction.

Cette proposition est aujourd’hui sans force obligatoire et les décrets d’application de la loi du 6 août 2015 dite « Macron », actuellement en cours de préparation, devraient apporter des précisions intéressantes à ce sujet

Quel est le statut du demandeur et de l’offreur sur la plateforme ? A partir de quand parle-t-on d’un professionnel ?

Faute de définition actuelle de la notion de « professionnel » dans le Code de la consommation, le professionnel se définit aujourd’hui au moyen de critères jurisprudentiels. En substance, la jurisprudence considère qu’est professionnel celui qui réalise des transactions à titre habituel et dans le but de réaliser un profit.

Là encore, les travaux législatifs en cours sont un espoir d’y voir encore plus clair, afin de permettre notamment aux plateformes d’identifier clairement qui sont les professionnels qui figurent en tant qu’offreurs sur leur place de marché et se conformer à leur possible obligation à venir d’identifier, voire de « labelliser », ces offreurs sur leur site afin d’améliorer l’information précontractuelle disponible aux deux parties.

Le droit de la consommation et les obligations qu’il met à la charge des professionnels est incontestablement un point d’attention particulier pour la sécurité juridique de l’économie collaborative. Des réponses existent et dépendent hautement de la nature de l’activité de la plateforme, de sa maturité, de son organisation.

Les éclaircissements à venir seront très intéressant à suivre.

Droit du Partage s’en chargera naturellement pour vous.

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Les relations entre les utilisateurs et les plateformes collaboratives sont elles déséquilibrées ?

Tout le monde ne peut que constater le succès des entreprises de l’économie collaborative. Plus le temps passe, plus les utilisateurs participent (tant comme offreur qu’en tant que demandeur de biens et/ou services) à cette nouvelle économie. Cette nouvelle intermédiation numérique permet à des offreurs (des particuliers ou des professionnels) de trouver rapidement et simplement des clients, sans recours aux moyens traditionnels d’acquisition de clients.

On assiste donc à la naissance de plateformes économiquement indispensables, puisqu’elles agrègent l’offre et la demande, et extrêmement puissantes (par exemple, avec la maitrise (totale ou partielle) des prix ou encore le pouvoir d’exclure un offreur de biens ou services du réseau).

Du fait des relations tripartites (la plateforme, l’offreur et le demandeur) induites par l’économie collaborative, les relations juridiques se situent à deux niveaux distincts:

  • une relation horizontale entre utilisateurs : c’est la relation juridique directe entre l’offreur et le demandeur (qui se matérialise par exemple par un contrat de location) ;
  • une relation verticale entre les utilisateurs et la plateforme : c’est la relation directe (essentiellement formalisée par les conditions générales d’utilisation).

Ces relations sont-elles équilibrées juridiquement ? Pas sûr, puisque les parties ont souvent une puissance économique différente.

Que peuvent ou ne peuvent pas faire les plateformes ? Des obligations pèsent sur elles pour permettre une utilisation juste de leurs services

Qui de l’offreur, du demandeur ou de la plateforme bénéficie de l’éventuel déséquilibre ? Tout dépend de la situation.

Ces questions sont importantes et les réponses varient fortement selon la situation de chaque acteur et les pratiques des plateformes. En nous appuyant sur les règles juridiques existantes, rappelons que plusieurs règles sont mobilisables pour lutter contre ou corriger des relations déséquilibrées :

  • le droit de la consommation : on ne peut mobiliser les textes du droit de la consommation (clauses abusives, à l’obligation d’information, au droit de rétractation…) qu’en présence d’une relation entre un professionnel et un consommateur. Pour quelles situations ? Ces règles s’appliqueront lorsqu’un particulier ou un non professionnel contracte avec un professionnel ou bien lorsqu’un particulier souscrit aux conditions générales d’utilisation de la plateforme.
  • le droit commercial : l’article L. 442-6 I 2° du Code de commerce dispose qu’engage sa responsabilité tout producteur, commerçant, industriel ou personne immatriculée au répertoire des métiers qui soumet ou de tente de soumettre un partenaire commercial à des obligations créant un déséquilibre significatif. Pour quelles situations ? Ces règles pourront s’appliquer aux relations entre professionnels, que ce soit pour la relation contractuelle horizontale (cf. ci-dessus) ou pour les conditions générales d’utilisation de la plateforme.
  • le droit civil : la réforme du droit des contrats (les nouveaux textes seront applicables à compter du 1er octobre 2016) prévoit que, dans un contrat d’adhésion (ce qui est le cas des conditions générales d’utilisation d’une plateforme), toute clause créant un déséquilibre significatif est réputée non écrite. Pour quelles situations ? Pour toutes les situations puisque c’est le droit commun, autrement dit il faut prêter une attention toute particulière à la rédaction des conditions générales d’utilisation, mais plus largement à tous les contrats dont les parties ne pourront pas négocier les termes.

Les relations économiques résultant de l’économie collaborative fabriquent plusieurs relations juridiques qui cristallisent des questions juridiques importantes, comme celle de l’équilibre de la relation contractuelle (et des sanctions en cas de déséquilibre). Une attention toute particulière doit être portée à la rédaction des contrats, tant du point de vue de la plateforme que du point de vue des utilisateurs.

A notre connaissance, les juges n’ont pas encore eu à statuer sur ces questions en matière collaborative mais il est certain qu’ils auront à le faire.

Droit du Partage continuera à s’interroger sur ces questions pour vous.

 

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