L’intitulé de cet article est peut-être mal choisi. Inverser le titre aurait été possible : « Le droit de la consommation à l’épreuve de l’économie collaborative » ? Tout est question de perspective. C’est l’idée que nous développons dans notre livre : économie collaborative et règles juridiques sont dans une relation à double sens car les modèles économiques innovants défient les règles existantes en même temps qu’ils sont soumis à l’exigence de ne pas trop s’en éloigner au risque de compromettre leur sécurité juridique donc leur avenir.
Parmi les corps de règles qui concernent l’économie collaborative de manière transversale le droit de la consommation occupe une place de choix. Quelles règles s’appliquent-elles aux relations entre offreur et demandeur sur une plateforme collaborative ? Quel est le statut du demandeur et de l’offreur sur la plateforme ? A partir de quand parle-t-on d’un professionnel ?
Toutes ces questions, et bien d’autres, irriguent les réflexions des entrepreneurs du secteur, des utilisateurs et plus généralement de toutes les parties prenantes au développement de l’économie collaborative en France (citoyens, investisseurs et institutionnels). Elles sont très proches de la question fiscale, autre point de fixation car elles reposent toutes sur la difficile ligne à tracer entre activité occasionnelle et/ou privée et activité récurrente exercée pour les besoins d’une activité libérale ou commerciale.
Pour y répondre, le juriste n’est pas désarmé, bien que certaines règles méritent d’être précisées ou sont actuellement sujettes à évolution.
Quelles règles issues du droit de la consommation s’appliquent-elles aux relations entre offreur et demandeur sur une plateforme collaborative ?
En substance, le droit de la consommation s’applique aux relations entre professionnels et consommateurs, le postulat de base étant qu’elles sont déséquilibrées et qu’il convient de mettre à la charge des professionnels un certain nombre d’obligations (ainsi que des droits au bénéfice des consommateurs) pour corriger ce déséquilibre.
A titre d’exemple, le professionnel est tenu à des obligations d’information renforcées, le consommateur bénéficie d’un droit de rétractation ou encore il est fait interdiction d’avoir recours à des clauses abusives.
L’applicabilité de ces règles dans l’économie collaborative est intéressante puisqu’elle dépend du statut (ou « qualité ») de chaque partie :
- Si l’offreur de biens/services est professionnel et que le demandeur est un particulier, alors les règles du droit de la consommation s’appliquent et gouvernent la relation entre les deux.
- Si l’offreur et le demandeurs sont tous deux consommateurs ou tous deux professionnels, alors les règles du droit de la consommation ne s’appliquent a priori pas.
C’est dire si l’identification du statut de chaque partie aux transactions collaboratives est un enjeu central. Le Conseil National de la Consommation (CNC) ne s’y est pas trompé en rendant au mois de janvier 2016 un avis sur les plateformes numériques collaboratives qui formule la recommandation de faire figurer sur les plateformes le statut de l’offreur afin de donner davantage de lisibilité quant aux règles applicables à la transaction.
Cette proposition est aujourd’hui sans force obligatoire et les décrets d’application de la loi du 6 août 2015 dite « Macron », actuellement en cours de préparation, devraient apporter des précisions intéressantes à ce sujet
Quel est le statut du demandeur et de l’offreur sur la plateforme ? A partir de quand parle-t-on d’un professionnel ?
Faute de définition actuelle de la notion de « professionnel » dans le Code de la consommation, le professionnel se définit aujourd’hui au moyen de critères jurisprudentiels. En substance, la jurisprudence considère qu’est professionnel celui qui réalise des transactions à titre habituel et dans le but de réaliser un profit.
Là encore, les travaux législatifs en cours sont un espoir d’y voir encore plus clair, afin de permettre notamment aux plateformes d’identifier clairement qui sont les professionnels qui figurent en tant qu’offreurs sur leur place de marché et se conformer à leur possible obligation à venir d’identifier, voire de « labelliser », ces offreurs sur leur site afin d’améliorer l’information précontractuelle disponible aux deux parties.
Le droit de la consommation et les obligations qu’il met à la charge des professionnels est incontestablement un point d’attention particulier pour la sécurité juridique de l’économie collaborative. Des réponses existent et dépendent hautement de la nature de l’activité de la plateforme, de sa maturité, de son organisation.
Les éclaircissements à venir seront très intéressant à suivre.
Droit du Partage s’en chargera naturellement pour vous.