Quand l’économie collaborative rencontre la Loi Travail

Parler d’économie collaborative dans la Loi travail n’est assurément pas de tout repos, tant ces deux sujets attirent l’attention du public et des débats d’opinion.

C’est pourtant (presque) chose faite, depuis qu’un amendement au projet de loi Travail a été déposé la semaine dernière par plusieurs sénateurs du parti Les Républicains.

L’objet de cet amendement est d’assouplir l’interdiction de cumul d’activité et de rémunération pour les salariés, en les autorisant à participer aux activités de « services rendus entre particuliers ». L’amendement précise cette notion en la définissant comme suit :

« Les services rendus entre particuliers dans le cadre de l’utilisation en commun d’un bien dans la mesure où les sommes perçues à cette occasion ne dépassent pas une fraction du coût d’amortissement de ce bien calculée selon des modalités déterminées par décret »

Les activités ainsi définies pourraient donc être pratiquées par les salariés, sans incompatibilité avec la durée de travail obligatoire et l’interdiction de percevoir de rémunérations autres que celles issues de leurs salaires.

L’objet de cet amendement est, selon les sénateurs, de « sécuriser le développement de l’économie collaborative de particulier qui concourt à l’intérêt général (en particulier en ce qui concerne la mobilité partagée) ».

L’interaction, voire la tension, qui peut exister entre les règles du droit du travail et les modèles d’affaires des plateformes collaboratives ou de services à la demande n’est plus à démontrer .

La proposition contenue dans l’amendement est sans nul doute intéressante dans l’objectif poursuivi, qui consiste à vouloir soutenir le développement des pratiques collaboratives, sans les brider. La méthodologie portée par l’amendement est intéressante bien que la vision de l’économie collaborative qui a été adoptée nous semble trop restrictive.

En effet, l’économie collaborative peut porter non seulement sur un bien (« je mets ma voiture à disposition sur une plateforme ») mais également sur un service (« je donne de mon temps pour repeindre la chambre d’un particulier »), ce que les termes de l’amendement semblent ignorer.

La solution esquissée, à savoir l’adoption d’une logique de partage de frais, est pertinente en ce qui concerne les biens alors qu’en ce qui concerne les services, la logique de partage de frais n’a guère de pertinence. Droit du Partage avait d’ores et déjà soutenu l’adoption d’une telle logique de partage de frais pour sécuriser le statut juridique des particuliers.

Naturellement, la proposition contenue dans cet amendement n’aura de substance qu’une fois que le décret contenant les modalités spécifiques de son application sera publié. De plus, il conviendra le cas échéant de veiller à ce qu’un tel amendement ne se borne pas aux biens qui servent à la « mobilité partagée » (pour reprendre les termes des sénateurs) mais inclue également les biens qui relèvent d’autres catégories (immobilier, biens de consommation par exemple). Enfin, il convient de traiter également des prestations de services, dont le statut doit lui aussi être clarifié.

Quant au sort de cet amendement, il est très incertain, mais témoigne malgré tout d’un intérêt croissant des pouvoirs publics pour les questions juridiques clés qui se posent à  cette économie collaborative en plein développement.

Droit du Partage continue de suivre et analyser ces sujets pour vous.

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Classé dans Droit du travail et requalification, Evolution du cadre juridique, Obligations et responsabilité des plateformes, Transport de personnes

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