Le 21 juin 2016 a été déposée une proposition de loi relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes (voir le détail du texte ici). Cette proposition de loi est portée par le député Laurent Grandguillaume dans le prolongement des discussions qui ont eu lieu sous son égide comme médiateur entre les taxis et les VTC. L’objectif de ce texte est, dans un délai resserré, de clarifier et de simplifier les régimes juridiques applicables au transport public particulier de personnes. A peine publiée, cette proposition a entraîné de vives réactions de la part de toutes les parties prenantes (taxis, VTC, LOTI et les observateurs attentifs du secteur).
En ce qui concerne le calendrier, le texte a été adopté en commission à l’Assemblée Nationale le 5 juillet et sera débattu en séance le 19 juillet 2016.
Une analyse préliminaire de cette proposition de loi permet d’isoler les éléments suivants :
- Renforcement des règles applicables aux VTC (article 1 de la proposition de loi) : ces modifications du Code des Transports visent à mettre en place un régime déclaratif permettant de vérifier que les règles applicables soient respectées par les personnes mettant en relation les chauffeurs et les clients. Les plateformes de mise en relation sont des centrales de réservation (des professionnels) qui sont responsables de plein droit des obligations résultant du contrat de transport (cela rend impossible le positionnement comme intermédiaire et tiers à la relation chauffeur/client). Ces suggestions législatives vont dans le sens de l’augmentation des obligations applicables aux plateformes tout comme le projet de loi pour une République Numérique pour la location courte durée entre particuliers (voir notre présentation ici et une première analyse de ce projet de loi).
- Interdiction des clauses d’exclusivité (article 3 de la proposition de loi) : le Code de commerce devrait être modifié pour interdire les clauses ayant pour objet ou effet d’interdire ou limiter substantiellement la faculté de travailler avec plusieurs intermédiaires (plateformes et centrales de réservation). Cette interdiction (dont la formulation n’est pas sans rappeler certains textes du droit de la concurrence) vise à fluidifier le marché et à éviter la confiscation de l’offre par certaines plateformes très puissantes. Un effet indirect de cette proposition est de réduire le risque de reconnaissance d’un lien de subordination entre la plateforme et le chauffeur puisque ce dernier a toute latitude pour développer une « réelle » activité indépendante (pour mémoire nous ne sommes pas en faveur d’une généralisation de la requalification d’indépendant en salarié mais seulement de sanctionner les plateformes qui exagèrent en imposant des contraintes juridiques disproportionnées à leurs chauffeurs en profitant de leur puissance économique).
- Clarification du champ du statut LOTI (article 4 de la proposition de loi) : la volonté des députés est affichée (remédier au « détournement du régime juridique des services occasionnels effectués par des LOTI aujourd’hui pour exercer une activité similaire à celle des VTC en toute légalité« ) puisqu’elle vise à interdire l’utilisation de ce statut juridique pour les déplacements urbains avec des véhicules de moins de 10 places. Pour ces prestations il faudra désormais être immatriculé comme VTC. Cette mesure se comprend si l’hypothèse de départ est que transporter une personne en milieu urbain quand on est LOTI est illégal (ce qui ne va pas de soi car aucune sanction juridique n’existe dans la loi aujourd’hui) mais est totalement contraire à l’équilibre économique général (prestations de transport plébiscitées par les consommateurs, travail fourni à des chauffeurs etc…).
Si certaines mesures doivent être saluées (interdiction des clauses d’exclusivité, harmonisation des régimes juridiques), cette proposition de loi semble être une cote mal taillée (ou à tout le moins taillée à la hâte) dans un secteur déjà lourdement bouleversé. Pour éviter un nouveau fiasco de type « Loi Thévenoud » il faut prendre le temps de bien élaborer ce texte, de concerter et consulter les acteurs mais aussi d’approfondir l’impact des règles envisagées, en particulier de manière économique.
Une analyse plus détaillée de la proposition de loi sera nécessaire dans les prochaines semaines puisque les débats ne manqueront pas d’être nombreux. On ne peut qu’adopter une attitude de réserve face à ce texte et espérer que les débats parlementaires permettront de l’ajuster pour instaurer des règles justes et stables dans le secteur des transports.
Droit du Partage suivra ces questions et continuera à vous informer.