Droit du Partage est né de l’observation des pratiques collaboratives et innovantes dans le domaine des transports, un secteur particulièrement avancé dans sa transition numérique et riche en innovations (nos premiers articles concernaient les enjeux juridiques dans le secteur des transports et depuis lors nous nous sommes attachés, en particulier dans notre livre, à mettre en avant les difficultés d’adopter un cadre juridique pour l’économie collaborative).
Il était donc naturel que Droit du Partage s’intéresse au procès Heetch.
L’audience du Tribunal correctionnel de Paris a eu lieu les 8 et 9 décembre 2016 et Droit du Partage y a assisté afin de vous en rendre compte (en particulier, nous nous attacherons à décrypter le jugement).
Pendant ces deux jours d’audience, Messieurs Teddy Pellerin et Mathieu Jacob ainsi que la personne morale Heetch SAS ont comparu pour les trois infractions suivantes :
- organisation d’un système illégal de mise en relation client avec des personnes se livrant au transport de personnes à titre onéreux ;
- complicité d’exercice illégal de la profession de taxi ;
- pratiques commerciales trompeuses.
Afin d’éviter toute confusion, rappelons qu’aucune condamnation n’a été prononcée au cours de ces deux jours d’audience qui ont précisément été destinés à permettre au Tribunal de déterminer si les infractions étaient constituées.
Le Tribunal a recensé près de 1.480 parties civiles (contre environ 285 lors de l’audience du 22 juin 2016) qui ont activement participé aux débats. Les prévenus ont longuement été interrogés pour comprendre la genèse de l’entreprise, le fonctionnement de l’application et les faits reprochés.
Le Procureur de la République a posé de nombreuses questions mettant en lumière le fait que la publicité très positive entourant Heetch ne l’a guère et atteint et dévoilant sa position ferme vis-à-vis des prévenus. Ce refus d’appréhender les modèles économiques disruptifs d’une manière favorable s’est retranscrit dans les lourdes réquisitions formulées à l’audience : 300.000 euros d’amende et une peine d’affichage du jugement pour la société ; 10.000 euros d’amende et 2 ans d’interdiction de gérer pour chaque dirigeant.
De son côté, la défense a joué sa partition en mettant en avant un argumentaire solide sur le modèle économique de la société et la démonstration qu’aucune infraction n’était constituée (selon la défense, l’activité de Heetch entre dans le champ de l’article L. 3132-1 du Code des Transports concernant le covoiturage). La défense a également fait citer trois témoins (Jean-David Chamboredon, Frédéric Lefebvre et Pierre Cerne pour éclairer le tribunal sur le cadre plus général de l’économie collaborative mais également sur les difficultés de réglementer efficacement ce nouveau modèle. Le tribunal a mis en délibéré son jugement, lequel devra être rendu le 2 mars 2017 (c’est une estimation puisque l’étude des pièces des parties civiles pourrait prendre du temps).
Droit du Partage a eu le sentiment que l’avenir d’une partie de l’économie collaborative et de l’économie du partage s’est joué à ce procès. La tâche du juge est lourde puisqu’il doit trancher et interpréter des dispositions légales qui ont longtemps été perçues comme équivoques.La responsabilité du législateur est grande si l’on considère qu’il doit trouver un cadre juridique adapté ces nouveaux usages.
Droit du Partage continue naturellement à suivre ces sujets pour vous et vous fournira une analyse du jugement à intervenir.