Droit du Partage suit le développement de l’économie des plateformes de services à la demande et d’économie collaborative depuis plusieurs années. En la matière, les transports ont été particulièrement impactés par les modèles économiques disruptifs qui ont été déployés.
Outre la problématique réglementaire très forte, symbolisée par le Code des transports et la loi Thévenoud, l’enjeu lié au statut des indépendants a également été l’un des thèmes centraux identifiés par Droit du Partage.
L’actualité très récente permet de faire à nouveau un point sur ce thème puisque le conducteur d’une plateforme de VTC française, a obtenu gain de cause devant le Conseil de prud’hommes de Paris en voyant sa relation juridique avec la plateforme requalifiée en contrat de travail (voir un article de presse ici).
La décision du Conseil de prud’hommes de Paris, une première en la matière
Rappelons à titre liminaire que cette décision n’est pas définitive car elle est susceptible d’appel.
Le demandeur faisait valoir au soutien de sa demande en requalification que (i) la plateforme lui imposait une exclusivité l’empêchant de conduire pour une autre plateforme, (ii) la plateforme lui imposait de conduire à certains horaires qu’elle déterminait et que le chauffeur était contraint de suivre s’il voulait maintenir ses revenus et (iii) la plateforme avait un pouvoir disciplinaire sur lui en le déconnectant s’il n’acceptait pas les courses dans un délai déterminé.
Le Conseil de prud’hommes de Paris a conclu dans sa décision du 2 décembre 2016 que le chauffeur, entrepreneur indépendant et partenaire de la plateforme de VTC française, était lié par un lien de subordination à la plateforme et relevait par conséquent du salariat. C’est une première en la matière.
Pour parvenir à cette conclusion, le Conseil de prud’hommes s’est appuyé en particulier sur le fait que le chauffeur était lié par une exclusivité qui le plaçait dans une situation contraire à la liberté d’entreprendre (absence de possibilité de développer une clientèle propre) et créait ainsi un lien de subordination.
Les leçons à tirer de ce jugement
La décision rendue ne vaut pas pour tous les travailleurs indépendants (la preuve reste à apporter par tous les demandeurs potentiels) mais sanctionne bien les excès d’un cas particulier. La plateforme a commis des abus à l’égard d’un de ses conducteurs, ce qui a justifié la reconnaissance d’un lien de subordination.
Sans être une remise en cause de l’économie numérique, cette décision constitue au contraire un précieux outil pour les plateformes ayant recours à des travailleurs indépendants car elle contient des points de repères utiles sur les pratiques contractuelles et économiques prohibées. Elle insiste également sur ce qui fait un travailleur indépendant, en particulier sa liberté.
On remarquera d’ailleurs que les clauses d’exclusivité sont désormais interdites par la loi depuis l’entrée en vigueur de la Loi Grandguillaume.
Cette décision est donc un éclaircissement bienvenu quant aux frontières entre travail indépendant et salariat dans l’économie numérique.
Droit du Partage continuera naturellement à suivre ces sujets pour vous.