Tout le monde s’intéresse à l’économie numérique pour la réguler, la détruire, l’encourager ou simplement pour se mettre en avant parce que le thème est « porteur ».
Mais de quoi parle-t-on réellement ?
On assiste à un flottement sémantique puisqu’on utilise de manière interchangeable les termes suivants : économie du partage, sharing economy, économie collaborative, économie numérique, plateformisation ou encore uberisation… mais rares sont ceux qui font l’effort de définir ce de quoi ils parlent. C’est d’autant plus grave et problématique pour le législateur, et plus largement l’administration, puisque des règles sont adoptées pour « réguler » les plateformes numériques.
Mais comment adopter un bon cadre juridique si on ne sait pas de quoi on parle ?
De notre point de vue (notre livre, p.21 à 23), il faut distinguer 3 grandes catégories qui répondent à des caractéristiques bien différentes. Celles-ci peuvent être synthétiser sous la forme du tableau suivant :
Dans l’économie numérique, les modèles sont très variables et commandent une application différenciée des normes.
En plus des définitions classiques d' »éditeur » et d' »hébergeur » issues de la loi de 2004 (ces catégories juridiques pourraient être revues à la faveur d’évolutions du droit européen), les récents textes de loi qui ont été adoptés, en dernier lieu la loi pour une République Numérique d’octobre 2016 (voir notre article), esquissent une définition juridique de la plateforme :
« Est qualifiée d’opérateur de plateforme en ligne toute personne physique ou morale proposant, à titre professionnel, de manière rémunérée ou non, un service de communication au public en ligne reposant sur :
1° Le classement ou le référencement, au moyen d’algorithmes informatiques, de contenus, de biens ou de services proposés ou mis en ligne par des tiers ;
2° Ou la mise en relation de plusieurs parties en vue de la vente d’un bien, de la fourniture d’un service ou de l’échange ou du partage d’un contenu, d’un bien ou d’un service« .
Cette définition (trop ?) large donne lieu à l’application de nombreuses obligations :
- fiscales : les plateformes doivent, à chaque transaction, fournir une information claire, loyale et transparente sur les obligations sociales et fiscales incombant aux utilisateurs. Cela passera par la mise à disposition et le renvoi vers des sites d’administration (le décret d’application est toujours en cours de préparation). Il faut aussi renvoyer, chaque année, un document récapitulant le montant brut des transactions réalisées et fournir un certificat émanant d’un tiers indépendant pour justifier du respect de ces obligations (plus de détails ici).
- d’information : toute plateforme en ligne doit fournir aux consommateurs une information loyale, claire et transparente notamment sur les conditions générales d’utilisation du service d’intermédiation ou encore de la qualité de l’annonceur et les droits et obligations des parties en matière civile et fiscale, lorsque des consommateurs sont mis en relation avec des professionnels ou des non-professionnels (retrouvez notre analyse ici).
- sociales : les plateformes qui déterminent les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix a, à l’égard des travailleurs concernés, une responsabilité sociale concernant les accidents du travail mais aussi la formation (notre commentaire sur la loi El-Khomri ici).
Mais ces obligations nouvelles sont elles toutes applicables et pertinentes pour l’économie du partage, l’économie collaborative et l’économie des services à la demande ?
Nous considérons qu’une réflexion globale et d’ensemble doit être adoptée pour que les règles juridiques n’étouffent pas les plateformes et les initiatives économiques. Il faut mettre de l’ordre dans les principes généraux (qu’est ce qu’une plateforme ? qu’est ce que le partage de frais ? qu’est ce qu’un amateur et un professionnel ?) pour permettre à la France d’émerger comme une puissance conquérante de l’économie numérique. Sans doute faut il cesser de légiférer par petits bouts, sous l’impulsion de certains groupes d’intérêts, pour favoriser l’éclosion de cette économie numérique.