Loi Grandguillaume : une nouvelle pierre à un édifice réglementaire encore chancelant

La réglementation du transport public particulier de personnes a connu des évolutions nombreuses et intenses au cours de ces dernières années. Droit du Partage est bien placé pour le dire puisque nous suivons ces sujets avec attention depuis 2013 : premier champ de bataille de la transition numérique, les transports ont connu une activité réglementaire et judiciaire extraordinaire, intimement liée au développement des plateformes de mise en relation. Le temps passe, les enjeux juridiques demeurent et le législateur continue d’adopter des règles qui laissent songeur…

Dernière née de cette frénésie législative, la Loi n°2016-1920 du 29 décembre 2016 relative à la régulation, à la responsabilisation et à la simplification dans le secteur du transport public particulier de personnes dite « Loi Grandguillaume » est venue apporter son lot de changements, dont nous décrirons l’essentiel, mais n’a pas résolu l’une des problématiques juridiques fondamentales qui irrigue tout le Code des transports et bride le développement des plateformes numériques.

La distinction entre les « centrales de réservations » et les intermédiaires de mise en relation

L’article premier de la Loi Grandguillaume prévoit l’ajout d’une partie dédiée dans le Code des transports relative aux activités de mise en relation en matière de transport routier de personnes. Le texte prévoit une définition des « centrales de réservation », un statut différent de celui de simple plateforme de mise en relation. Une centrale de réservation est définie comme le professionnel qui mettent en relation des « conducteurs » exerçant leur activité « à titre professionnel » avec des « passagers » pour la réalisation de déplacements routiers répondant à certaines caractéristiques (véhicules motorisés, huit places assises au maximum et ne relevant pas du covoiturage). La plateforme de mise en relation a la même définition sans que le conducteur ne doive réaliser le déplacement « à titre professionnel ».

Quel est l’intérêt de cette distinction ?

D’une part, il s’agit pour le législateur d’unifier les obligations incombant à tous les professionnels de la mise en relation, que les conducteurs soient des taxis, des VTC, des salariés conduisant des véhicules relevant de la loi Loti ou des mototaxis. Cette approche est cohérente dans la mesure où la Loi Grandguillaume prévoit également la suppression du régime des voitures « LOTI » d’ici au 31 décembre 2017 avec la possibilité pour les entreprises et les chauffeurs qui en relèvent de s’inscrire au registre des VTC à certaines conditions.

D’autre part, on remarquera que la Loi Grandguillaume instaure un régime de responsabilité stricte à la charge des « centrales de réservation » puisque le texte dispose qu’elles sont responsables de plein droit à l’égard du client transporté de la bonne exécution des obligations résultant du contrat de transport qui s’est formé entre le chauffeur et son client. Il s’agit là d’un renforcement net de la responsabilité des plateformes qualifiées de centrales de réservation qui posera sans aucun doute de nombreuses questions pratiques quant à sa mise en œuvre dans les prochains mois. En effet, à titre d’exemple, ce régime de responsabilité est proche de celui auquel sont soumis les opérateurs de voyages, à l’opposé d’un simple courtier, statut au régime de responsabilité moins strict.

C’’est donc le critère du caractère professionnel de l’activité du conducteur transportant une personne qui est décisif pour qualifier une plateforme de « centrale de réservation » et non de simple professionnel de la mise en relation.

Alors, qu’est-ce qui distingue le professionnel du non professionnel ou du particulier dans le secteur du transport ? C’est là une question sans réponse claire, qui est notamment posée par le procès de la société Heetch. Le délibéré qui interviendra a priori le 2 mars prochain pourrait apporter des précisions utiles pour compléter l’interprétation des dispositions du Code des transports.

Interdiction des clauses d’exclusivité

La Loi Grandguillaume intègre également au Code de commerce (et non au Code des transports, ce qui confère une plus grande portée à cette disposition) une interdiction faite aux intermédiaires de mise en relation et aux centrales de réservation d’imposer aux conducteurs ou entreprises embauchant des conducteurs des clauses d’exclusivité, à savoir en pratique des clauses leur interdisant de travailler pour plusieurs intermédiaires à la fois.

Une telle interdiction fait sens tant elle fait écho à la réalité d’un secteur où (i) les conducteurs ont souvent recours au cours d’une même journée à plusieurs intermédiaires pour trouver des clients et (ii) où le lien d’exclusivité imposé à un chauffeur partenaire peut être retenu comme un indice de l’existence d’un lien de subordination relevant du salariat.

Encadrement strict du régime LOTI

Nous l’évoquions plus haut, la Loi Grandguillaume interdit aux services de transport collectif issus de la loi LOTI (Loi d’orientation des transports intérieurs) de recourir aux plateformes de mise en relation et professionnels du transport, à moins qu’ils n’opèrent dans des véhicules de plus de huit places passagers.

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Classé dans Evolution du cadre juridique, Transport de personnes

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