Archives mensuelles : mai 2017

Plateformes numériques et transports : des nouvelles venues d’Europe

Droit du Partage vous en a fait part à plusieurs reprises, l’Union européenne est le second pilier (encore trop souvent sous-estimé) sur lequel repose la réglementation de l’économie numérique en général et des services de transport en particulier (par exemple, les conclusions de l’avocat général Maciej Szpunar de la CJUE concernant Uber sont révélatrices de l’impact du droit européen).

Dans une matière où le temps de la réglementation est long, chaque avancée mérite d’être analysée. C’est le cas d’une résolution du Parlement européen en date du 24 novembre 2016 dédiée aux « nouvelles opportunités pour les petites entreprises de transport, y compris les modèles commerciaux collaboratifs » (Lien vers l’article).

Cette résolution sans caractère obligatoire, rendue sur le rapport de l’élu français Dominique Riquet, permet de comprendre l’état de la réflexion sur le sujet à Bruxelles et d’imaginer les perspectives qui s’ouvrent dans ce domaine où la réglementation est déterminante pour tant de business models.

Une résolution en faveur de l’économie collaborative dans le domaine de la mobilité

Le Parlement européen ne s’y est pas trompé, l’économie collaborative est un secteur d’avenir qui porte en lui davantage de solutions que de problèmes. La résolution le rappelle à plusieurs reprises en insistant sur le fait que l’économie collaborative en matière de transports « peut contribuer pleinement au développement des modes de déplacement durables ».

Cette affirmation, qui souligne la complémentarité des modèles collaboratifs de transport avec les acteurs traditionnels mérite d’être saluée puisqu’elle met en avant à la fois la complexité de ce secteur et les opportunités qu’il recèle

Une résolution qui témoigne d’une compréhension des enjeux de l’économie des plateformes

La résolution recommande ainsi de mettre en place un cadre réglementaire efficace, « modernisé et multimodal qui favorise l’innovation et la compétitivité, ainsi que la protection des consommateurs et de leurs données, qui protège les droits des travailleurs et garantisse des conditions de concurrence équitables pour les différents opérateurs ». L’intention est donc précise et témoigne d’une compréhension des enjeux juridiques principaux soulevés par l’émergence des plateformes :

  • Conditions d’une concurrence loyale avec les acteurs traditionnels
  • Définition des responsabilités des plateformes
  • Protection des données
  • Statut des travailleurs indépendants

Il nous semble que les enjeux clés ont bien été ciblés, reste à savoir désormais si cela se traduira dans les faits.

Les perspectives réglementaires

Ce faisant, la résolution du Parlement européen ébauche des pistes intéressantes pour la réglementation de l’économie numérique :

  • Définir de manière univoque les « plateformes » (lien vers article précédent) au niveau européen
  • Distinguer les plateformes qui ne génèrent aucun « bénéfice commercial » pour leurs utilisateurs des plateformes qui soutiennent une activité lucrative pour les particuliers
  • Favoriser l’accès des autorités nationales aux informations des plateformes d’intermédiation

On le voit, le Parlement européen a choisi de rédiger une résolution aux contours très larges, qui dépassent les enjeux strictement liés à la mobilité et témoigne au contraire des enjeux réglementaires à venir pour les plateformes.

Il est clair que la distinction entre revenu commercial et revenu non lucratif est un sujet d’avenir. De même, l’accent mis par le Parlement sur la nécessaire communication entre le plateformes et les autorités nationales en matière de concurrence, de droit fiscal, de données personnelles ou de régulation financière témoigne d’une tendance qui va s’accentuer lors des prochaines années : celle des demandes d’informations et contrôles des autorités, qui vont nécessiter

Enfin, le Parlement européen s’est clairement positionné dans ce texte en faveur de la publication par la Commission européenne de lignes directrices sur « la manière dont la législation de l’Union s’applique aux différents types de modèles commerciaux collaboratifs » dans le but de clarifier les règles. L’Union Européenne semble avoir pris la mesure des changements induits par l’économie numérique, en particulier l’économie des plateformes, et souhaite prendre des mesures permettant une harmonisation. C’est ainsi que la Commission Marché Intérieur a publié un rapport (un article est à suivre) ainsi qu’une infographie (lien vers l’infographie).

Droit du Partage s’est toujours prononcé en faveur d’une telle approche souple et utile aux plateformes qui souhaitent pouvoir créer les conditions de leur propre régulation. Nous continuerons naturellement à suivre ces sujets pour vous.

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Classé dans Transport de personnes, Union Européenne

Vers un régime juridique dédié aux indépendants travaillant via des plateformes ?

Le cadre juridique se construit petit à petit…

La Loi Travail dite « El Khomri » a créé au sein du Code du travail une partie dédiée aux « travailleurs utilisant une plateforme de mise en relation par voie électronique » (lire notre article pour les détails), laquelle est applicable aux travailleurs indépendants recourant, pour l’exercice de leur activité professionnelle, à une ou plusieurs plateformes de mise en relation par voie électronique définies à l’article 242 bis du code général des impôts (lire notre article sur le régime de cet article). Plus particulièrement, l’article L. 7342-1 du Code du travail prévoit qu’une telle plateforme a une responsabilité sociale lors qu’elle « détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie ou du bien vendu et fixe son prix ».

Le décret (tant attendu) concernant la mise en oeuvre de cette responsabilité sociale des plateformes de mise en relation vient d’être publié (voir ici le texte intégral). Il est ainsi précisé que la plateforme doit contribuer à la protection du travailleur indépendant lorsque celui ci réalisé un chiffre d’affaires égal ou supérieur à 13% du plafond annuel de la sécurité sociale (ce qui correspond, pour l’année 2017, à environ 5.000 euros). Il est ainsi prévu que le travailleur indépendant concerné demande à la plateforme (ou aux plateformes s’il travaille grâce à plusieurs) de prendre en charges les cotisations, contributions et frais mentionnés. Ce dispositif entrera en vigueur le 1er janvier 2018.

Ces précisions sont bienvenues et participent de la consolidation, et du développement, du cadre juridique en cours de création concernant l’économie des plateformes. C’est également un signe de prise de conscience de la nécessaire évolution des systèmes de protection sociale des travailleurs indépendants dans le contexte de l’économie numérique.

En revanche, il existe une véritable interrogation quant à l’application (et applicabilité) de ce régime juridique nouveau. En effet, il suppose que les conditions de l’article L. 7342-1 du Code du travail soient remplies, ce qui n’est que très rarement (voir pas du tout le cas) du point de vue des plateformes numérique. Un débat juridique va donc naître à cet égard et nécessitera de nouvelles interrogations.

On peut, plus généralement, se demander si ces efforts de régulations et de création de normes est nécessaire pour sécuriser les acteurs ou bien s’il va créer des frictions (et donc des limites) à l’innovation ?

Droit du Partage continuera à vous tenir informés.

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Classé dans Droit du travail et requalification, Evolution du cadre juridique, Obligations et responsabilité des plateformes

Les données personnelles : un enjeu capital pour les sociétés de l’économie numérique

Quel utilisateur ne s’est jamais demandé ce qu’il advenait des informations transmises en ayant recours à des applications ou des sites internet ? Cette question est parfaitement naturelle puisque de (très) nombreux éléments sont communiqués par les utilisateurs lors de leur inscription (identité, coordonnées…) et de l’utilisation (achats, localisation…) des plateformes numériques. Cette transmission de données pose également de nombreux enjeux juridiques primordiaux pour les entreprises de l’économie numérique.

Pour mémoire, le régime juridique français applicable aux données personnelles résulte de la combinaison de règles nationales (au premier rang desquelles la loi informatique et libertés n°78-17 du 6 janvier 1978) et européennes (la directive européenne 95/46/EC du 24 octobre 1995 était la première norme clé en la matière). La multitude des règles adossée à l’évolution exponentielle d’internet et à au développement de « l’économie des plateformes » rendent cette matière primordiale. Pour l’appréhender dans plus de détails, il convient de rappeler les quelques principes clés :

  • Les règles s’appliquent aux « données personnelles » : cette notion fait référence à toute information relative à une personne physique identifiée ou pouvant l’être par référence à un ou plusieurs éléments qui lui sont propres.
  • La collecte de données doit avoir une finalité déterminée (les personnes doivent savoir à quoi leurs données vont servir) et une pertinence (seules les données nécessaires à la réalisation de l’objectif doivent être collectées).
  • Toutes les données ne peuvent pas être collectées (par exemple, il existe des restrictions concernant le type de données ou il est nécessaire d’avoir le consentement de la personne).
  • Les personnes dont les données sont collectées ont des droits (être informées de la collecte mais également pouvoir accéder, modifier, s’opposer à l’utilisation de leurs données).

Ces principes doivent être mis en œuvre par les entreprises qui procèdent à la collecte et au traitement des données. Le droit des données personnelles impose de nombreuses obligations aux entreprises, en particulier d’effectuer des démarches vis-à-vis de l’autorité de contrôle en matière de protection des données personnelles (en France il s’agit de la Commission Nationale de l’Informatique et des Libertés – CNIL) mais aussi prendre des mesures en interne pour respecter ces règles (par exemple, désigner un responsable des données ou encore assurer la sécurité des données collectées).

Ce domaine  connait un développement fulgurant puisque les données personnes sont majeures dans les modèles économiques des entreprises numériques et que les atteintes aux droits des personnes qui peuvent en résulter sont importantes. C’est ainsi que l’Union Européenne a modernisé son arsenal juridique concernant les données personnelles en adoptant le règlement 2016/679 le 27 avril 2016 (un article plus détaillé est en préparation). Si son entrée en vigueur est fixée au 25 mai 2018, la loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 a anticipé une partie des évolutions en (i) renforçant le pouvoir de sanction de la CNIL (jusqu’à 3 millions d’euros) et (ii) en donnant de nouveaux droits pour les personnes physiques (droit à l’effacement des données par les entreprise ou encore l’information des personnes sur la durée de conservation de leurs données).

Ces questions étant au cœur de l’économie numérique, il est impératif que les sociétés du secteur prennent connaissance de ces règles et adoptent les mesures permettant d’être en conformité. La date d’entrée en vigueur du règlement (mai 2018) laisse du temps pour anticiper mais chaque entreprise de l’économie numérique doit garder dans sa feuille de route.

Droit du Partage continuera à suivre ces sujets.

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Classé dans Evolution du cadre juridique, Obligations et responsabilité des plateformes

Airbnb, Abritel, Homelidays & autres : (nouveau) renforcement du cadre juridique

Le succès des plateformes permettant la location de courte durée de logement est immense comme en témoigne les récents records d’activité et de réservations. Cependant, cette augmentation de la fréquentation de ces nouveaux services n’est pas sans faire réagir les acteurs traditionnels, au premier rang desquels l’Union des Métiers et des Industries de l’Hôtellerie (UMIH) ou encore le Groupement National des Chaînes Hôtelières, qui ont fortement milité pour l’instauration d’un cadre juridique plus contraignant pour ces nouveaux usages.

La loi pour une République Numérique du 7 octobre 2016 (n°2016-1321) a épousé ce mouvement de durcissement du cadre juridique en faisant évoluer le régime juridique de la location meublée touristique (laquelle est définie comme « la location d’un logement destiné de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile« ). Les deux principales évolutions imposées par cette loi sont :

  1. la nécessité d’un enregistrement préalable : l’article L. 324-1-1 du Code du tourisme prévoit que toute personne qui offre à la location un meuble de tourisme doit en avoir fait la déclaration auprès de la mairie de la commune du lieu de situation du logement, sauf si celui ci constitue la résidence principale du loueur. Pour les communes de plus de 200.000 habitant, l’enregistrement du changement d’usage du logement peut être effectué par une déclaration réalisée grâce à un téléservice, dont les modalités de mise en oeuvre devaient être déterminé par un décret d’application.
  2. le devoir de surveillance de la plateforme : en plus d’une obligation d’information concernant les obligations du loueurs, les plateformes doivent veiller à ce qu’un logement proposé à la location (ou à la sous location) par leur intermédiaire ne soit pas loué plus de 120 jours par an lorsqu’il s’agit de la résidence principale. Au delà, le logement ne pourra plus être loué via la plateforme. Il était prévu qu’un décret fixe les modalités de contrôle et de sanction des manquements à cette obligation de vigilance.

Le décret concernant l’enregistrement préalable vient d’être publié au journal officiel du 30 avril 2017 (voir ici le texte complet) et celui concernant la surveillance des plateformes est en préparation. En ce qui concerne le premier texte, il est désormais précisé les informations qui doivent être fournies à l’occasion de la déclaration au moyen d’un téléservice. Une fois ces informations transmises, un numéro de délcaration sera délivré par la commune au loueur, ce qui servira d’élément clé pour le suivi du logement.

Il s’agit de la première étape d’un contrôle des municipalités sur l’activité des propriétaires louant leurs logements par l’intermédiaire de plateformes (la seconde étape concernant l’obligation de vigilance des plateformes devra être précisément analysée). Si ces récents renforcement des contraintes juridiques ont été applaudis par les acteurs dit « traditionnels », des difficultés de mises en oeuvre de ces mécanismes se manifesteront  puisque cela représente une augmentation (i) des formalités pour les particulers et (ii) du travail pour les collectivités locales en charge de ces contrôles.

Les débats sur l’évolution du cadre juridique des plateformes numériques continueront à être vifs et Droit du Partage vous tiendra informé.

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Classé dans Evolution du cadre juridique, Logement & locations courte durée