Archives de Tag: platform to business

Plateformes numériques & travailleurs indépendants : pas de charte dans la loi (pour l’instant)

Parmi les nouveautés juridiques de la rentrée du secteur numérique (voir les détails dans notre article), se trouvait la loi « pour la liberté de choisir son avenir professionnel » (dite « Pénicaud 2 ») qui envisageait, dans son article 66, la création d’un mécanisme destiné à compléter le régime juridique des plateformes de mise en relation concernant les travailleurs indépendants qui trouvent des missions par son intermédiaire. Les plateformes pouvaient publier une charte détaillant les relations juridiques (droits et obligations) avec les indépendants et l’existence de cette charte visait à diminuer le risque de requalification.

Après son adoption par le Parlement, le texte de loi a été soumis au Conseil Constitutionnel pour qu’il examine la conformité de ces nouvelles dispositions avec la Constitution (notamment, l’article 66). Dans sa décision n°2018-769 DC du 4 septembre 2018, le Conseil Constitutionnel a censuré certaines dispositions dont l’article concernant les plateformes numériques et les indépendants. Cette décision est justifiée par l’absence de lien avec les dispositions du projet de loi déposé initialement à l’Assemblée Nationale, ce qui en fait un « cavalier législatif » contraire à l’article 45 de la Constitution.

Dans la version de la loi publiée au journal officiel du 6 septembre 2018, l’article 66 a donc été supprimé.

Cette idée de charte ne manquera pas d’être à nouveau proposée, ce d’autant que la censure du Conseil Constitutionnel concerne des motifs de procédure et non pas le mécanisme en lui même. Cependant, la question de l’opportunité d’introduire un tel mécanisme reste entière : certains considèrent qu’il s’agit d’un progrès sécurisant les plateformes, d’autres qu’il s’agit d’un ajout inutile qui risque de créer de nouvelles difficultés d’interprétation (qui pourraient fragiliser les plateformes) tandis que d’autres soutiennent que cette nouveauté serait un cadeau injustifiée aux plateformes qui diminuerait les droits des travailleurs.

Droit du Partage suivra ces sujets pour vous et ne manquera pas de vous tenir informés.

Publicité

Poster un commentaire

Classé dans Droit du travail et requalification, Evolution du cadre juridique

Régulation du numérique : nouveautés et perspectives de la rentrée

La rentrée approche, de sorte qu’il est important de faire un point sur les avancées règlementaires et juridiques concernant le numérique en France. En effet, l’attention du législateur et des administrations vis-à-vis du numérique ne cesse de s’intensifier et il est parfois difficile de garder un oeil sur toutes les évolutions.

Voici les points essentiels que nous avons retenus :

  • Décret sur les données personnelles : dans le prolongement de la loi du 20 juin 2018 qui a adapté la loi informatique et libertés au RGPD, un premier décret du 1er août 2018(publié au JO du 3 août) est venu apporter des précisions intéressantes que chaque acteur doit conserver à l’esprit.
  •  Droit à l’erreur : la loi du 10 août 2018 (publiée au JO du 11 août) entérine cette promesse de campagne d’Emmanuel Macron et permet de simplifier les relations entre usagers/administrations en permettant l’absence de sanction en cas d’erreur.
  • Loi PACTE : cette loi (qui contient notamment le cadre juridique applicable à la blockchain) va être discutée le 12 septembre lors d’une session extraordinaire au parlement et avant la révision constitutionnelle (ce qui démontre l’importance donnée à ce texte).
  • L’avenir des mobilités : la refonte du cadre juridique applicable aux solutions de mobilité approche (voir les détails du projet de loi dans notre précédent article) et le texte sera discuté dans les prochaines semaines au Parlement.
  • Le travail indépendant et les plateformes : la seconde réforme du droit du travail (la loi « avenir professionnel » dite « Pénicaud 2 ») a définitivement été adoptée le 1er août par le Parlement et la loi devrait faire l’objet d’une publication lorsque le Conseil Constitutionnel aura statué. Cette loi contient une nouveauté décisive concernant le travail indépendant en prévoyant la publication d’une charte permettant de détailler les relations juridiques et de sécuriser le statut juridique de ces acteurs (il faudra que les opérateurs se penchent attentivement sur cette nouveauté pour s’y adapter).
  • Déclaration automatisée des revenus des utilisateurs par les plateformes : ce dispositif devrait faire parti du projet de loi de lutte contre la fraude fiscale (voir nos précédentes explications), lequel sera débattu le 12 septembre en session extraordinaire au parlement.

Hors de France, on peut signaler les récentes initiatives de New York concernant les chauffeurs VTC (fixation d’un revenu minimum) et les plateformes de location courte durée comme Airbnb (obligation pour les plateformes de transmettre la liste de tous les loueurs) mais également les avancées de Santa Monica en matière de freefloating (création de zones de stationnement pour les vélos et trottinettes en libre service).

Tout cela augure de passionnantes questions et Droit du Partage vous tiendra naturellement informés.

Poster un commentaire

Classé dans Evolution du cadre juridique

Amende record infligée à Google : comprendre la décision de la Commission européenne

Nous parlons beaucoup de l’Union Européenne car c’est un échelon indispensable pour comprendre le numérique et l’environnement règlementaire en construction. Un des organes clés est la Commission européenne puisqu’elle a le monopole de l’initiative législative (elle est seule à pouvoir proposer des règlements ou des directives) et met en œuvre les politiques de l’Union (c’est le pouvoir exécutif de l’Union).

S’agissant de la politique de la concurrence, elle jouit d’un statut particulier car elle dispose, en plus de son pouvoir politique, d’un pouvoir de sanction à l’égard des entreprises qui ne respecteraient pas le droit de l’Union en matière de concurrence.

Dans un communiqué de presse en date du 18 juillet 2018 (la version non-confidentielle de la décision sera publiée dans plusieurs mois), la Commission a annoncé avoir condamné Google pour abus de position dominante en violation de l’article 102 du Traité sur le Fonctionnement de l’Union Européenne (TFUE). Le droit de la concurrence n’interdit pas aux entreprises d’être en situation de position dominante. Cependant, elles ne peuvent en abuser.

Quel était l’abus dans l’affaire Google ?23

Les pratiques reprochées

En substance, la Commission reproche à Google d’avoir utilisé Android, son système d’exploitation pour smartphones, « comme un véhicule pour consolider la position de son moteur de recherche ». Comment ? Par trois séries de pratiques :

  • Les « ventes liées »: Google a imposé aux constructeurs de smartphone utilisant Android (comme par exemple Samsung, Huawei ou HTC) de préinstaller Google comme moteur de recherche par défaut sur les téléphones, ainsi que d’autres applications de l’écosystème Google, comme le navigateur Chrome ou YouTube.
  • Les « incitations financières »: Google a accordé des incitations financières aux constructeurs et à certains opérateurs télécoms pour qu’ils préinstallent, en exclusivité, le moteur de recherche Google sur leurs téléphones.
  • Le frein au développement des « forks »: les « forks » sont des systèmes d’exploitation développés par des tiers sur la base du code source d’Android, que Google rend public. Amazon, notamment, a développé son propre « fork » appelé, « Fire OS ». En contrepartie du droit d’installer Google sur leurs téléphones, les constructeurs devaient s’engager à ne vendre aucun téléphone fonctionnant sous « fork ».

Ce sont ces trois pratiques, prises ensemble, qui constituent l’abus et qui ont conduit à des effets anticoncurrentiels.

Les effets anti-concurrentiels de ces pratiques

On imagine assez aisément l’intérêt de Google derrière ces pratiques : plus le nombre de consommateurs utilisant le moteur de recherche et les applications Google est élevé plus les espaces publicitaires que Google peut vendre sont nombreux.

Selon la Commission, cette stratégie a eu pour effet de priver les concurrents de Google de la possibilité d’innover et de livrer à Google une « concurrence par les mérites ». Ainsi, les autres moteurs de recherche ont été privés de l’accès au système d’exploitation pour smartphones le plus répandu du marché (près de 80% des smartphones dans le monde sont équipés d’Android) et aucun système d’exploitation concurrent n’a pu voir le jour (la Commission n’a pas considéré qu’iOS, le système d’exploitation d’Apple, était un concurrent d’Android).

Il faut noter que les utilisateurs d’Android n’ont jamais été privés de la possibilité de télécharger des moteurs de recherche ou applications concurrents aux produits Google préinstallés. Cependant, la Commission a relevé que sur les appareils Android, plus de 95% de l’ensemble des recherches étaient effectuées via l’application Google Search préinstallée, ce qui donnait un avantage décisif à Google.

Un montant record

Les pratiques et effets anti-concurrentiels ayant été démontrés, comment expliquer le montant record de l’amende ? Selon les règles européennes, l’amende tient compte de (i) la gravité et de (ii) la durée de l’infraction[1]. Les règles de fixation du montant de l’amende sont explicitées plus précisément dans des « lignes directrices [2]», publiées en 2006 par la Commission.

La Commission détermine d’abord la « valeur des ventes en relation directe avec l’infraction » sur la base de laquelle elle fixe un « montant de base » (qui correspond à une proportion de la valeur des ventes, déterminée en fonction de la gravité de l’infraction et dépassant rarement 30% de la valeur des ventes). Le montant de base ainsi obtenu est ensuite multiplié par le nombre d’années d’infraction, puis ajusté en fonction des circonstances aggravantes et atténuantes de l’affaire. En toutes hypothèses, le montant de l’amende ne peut jamais dépasser 10% du chiffre d’affaires mondial de l’entreprise (en l’espèce, l’amende représente environ 3,9% du chiffre d’affaires réalisé en 2017 par Google).

La fixation des amendes en droit de la concurrence fait toujours l’objet d’intenses débats, et il ne fait pas de doute que le montant fixé par la Commission sera âprement contesté par Google, qui a déjà annoncé vouloir faire appel de la décision.

C’est la deuxième fois en deux ans que Google est condamné pour violation des règles européennes sur la concurrence. La Commission avait déjà condamné Google pour abus de position dominante, par le biais cette fois de son moteur de recherche Google Shopping. L’amende prononcée à l’époque était de 2,42 milliards d’euros.

Si ces montants paraissent élevés, ils sont à relativiser : Google génère 4,3 milliards d’euros de chiffre d’affaires en… moins d’un mois, et dispose de plus de 88 milliards de dollars de réserve en trésorerie[3]. Une troisième affaire est en cours. Elle concerne cette fois AdSense, la régie publicitaire de Google.

Droit du Partage vous tiendra naturellement informés des prochaines grandes étapes de ces affaires.

__________________________

[1] Règlement (CE) n° 1/2003 du Conseil du 16 décembre 2002 relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 101 et 102 du traité, article 23 3.

[2] Lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l’article 23, paragraphe 2, sous a), du règlement (CE) n o 1/2003 – il s’agit d’un texte en principe non contraignant, mais duquel la Commission s’écarte très rarement.

[3] « Une sanction record aux effets pourtant limités sur Google », 19 juillet 2018, Les Echos

Poster un commentaire

Classé dans Evolution du cadre juridique, Union Européenne

Plateformes en ligne : à partir de quand est-on professionnel ?

La frontière entre le « particulier » et le « professionnel » est décisive puisqu’elle déclenche l’application de certaines règles (en particulier, celles issues du droit de la consommation). Elle l’est d’autant plus dans le secteur numérique où des plateformes permettent la mise en relation de particuliers avec des particuliers, de professionnels avec des particuliers ou encore de professionnels avec des professionnels, déclenchant à chaque fois des contraintes juridiques différentes…

Si depuis le 1er janvier 2018, les plateformes de mise en relation ont l’obligation d’identifier la qualité des offreurs (voir notre analyse des décrets Lemaire), les critères permettant de faire la distinction entre le « particulier » et le « professionnel » ne sont pas toujours aisés à identifier… et ce d’autant que la distinction n’est pas identique selon la matière juridique (un professionnel au sens du droit commercial, n’est pas forcément un professionnel au sens du droit fiscal ou du droit des transports)… !

Mais alors, à partir de quand devient-on un professionnel ? A partir de combien de transactions ?

Une affaire en cours devant la Cour de Justice de l’Union Européenne (Komisia za zashtita na potrebitelite c/ Evelina Kamenova, Affaire C‑105/17) pourrait apporter des précisions intéressantes et bienvenues étant donné le succès des plateformes numériques.

La Cour est saisie d’un renvoi préjudiciel (c’est-à-dire une demande d’interprétation du droit de l’Union Européenne) par les juridictions bulgares. La question est de déterminer si une personne physique qui a publié simultanément 8 annonces de vente de produits sur une plateforme en ligne peut être qualifiée de « professionnelle » et si son activité peut constituer une « pratique commerciale » au sens de la directive 2005/29/CE du Parlement et du Conseil du 11 mai 2005.

Dans ses conclusions du 31 mai 2018, l’avocat général (Maciej Szpunar) considère que « la publication simultanée sur une plateforme en ligne d’un total de huit annonces tendant à la vente de divers produits neufs et d’occasion ne me semble pas suffisante pour permettre de retenir la qualification de professionnel ». Cependant, il est précisé que la juridiction de renvoi devra effectuer une analyse in concreto du dossier afin de vérifier si la défenderesse (la vendeuse) relève de la notion de « professionnel ».

Pour guider les interprétations à venir, l’avocat général insiste sur la nécessité pour les juridictions nationales de (i) vérifier si la vente a été réalisée de manière organisée et à des fins lucratives, (ii) de vérifier si le vendeur dispose d’un statut juridique lui permettant de réaliser des actes de commerce, (iii) de vérifier si le vendeur est assujetti à la TVA, (iv) de vérifier si le vendeur achète des biens en vue de les revendre (v) ou encore de vérifier si le montant du bénéfice dégagé sur les vente confirme l’existence d’une activité professionnelle. Ces critères ne sont ni exhaustifs, ni limitativement énumérés et les juridictions nationales doivent faire une appréciation d’ensemble de la situation.

La décision qui sera rendue par la CJUE permettra d’affiner la compréhension de cette notion de « professionnel » (au sens des directives européennes) et apportera des précisions clés pour les acteurs du numérique.

Si ces clarifications sont importantes en l’absence de seuil fixé par la loi, elles ne concernent que les opérations de vente et peuvent être analysées par le biais de la notion d’acte de commerce. Cependant, la réponse à ces questions pour les prestations de services réalisées par les particuliers reste à préciser.

Droit du Partage vous tiendra informés des prochaines étapes de cette affaire clé.

Poster un commentaire

Classé dans Transport de personnes

Loi d’orientation sur les mobilités (LOM) : ce que nous réserve ce projet de loi

Le projet de loi d’orientation sur les mobilités (LOM) devrait être rendu public prochainement et nous ne manquerons pas de revenir en détails sur celui-ci. Dans cette attente, nous proposons de de tracer les grandes idées structurantes de la LOM qui vont impacter le numérique et les plateformes afin d’anticiper les évolutions du cadre juridique.

Autoriser le transport occasionnel rémunéré effectué par des particuliers

Alors que les juges ont lourdement sanctionné les modèles de « UberPop » et « Heetch » (voir un de nos articles sur le sujet) pour avoir permis à des particuliers d’en transporter d’autres moyennant des sommes excédant le « partage de frais » (à notre connaissance, les affaires sont actuellement examinées en appel), le législateur envisage aujourd’hui d’autoriser des conducteurs « amateurs » à transporter des passagers contre rémunération.

Cette mesure pourrait être applicable pour les territoires à faible densité de population et en cas d’inexistence ou insuffisance de l’offre de transports publics. De plus, pour fixer cette nouvelle possibilité dans de strictes limites, le législateur envisagerait de soumettre cette possibilité à une autorisation individuelle et à un plafond annuel de gains.

Cette innovation juridique est intéressante puisqu’elle permettrait de créer de nouveaux réseaux de transport et de renforcer le maillage territorial grâce aux particuliers non professionnels. Nous saluons cette initiative ambitieuse et espérons que les conditions d’application ne seront pas trop restrictives pour ne pas priver cette mesure de toute portée.

Promouvoir la mobilité partagée

Le gouvernement envisage de mettre la mobilité partagée (en particulier, le co-voiturage et l’autopartage) au cœur de la LOM. Plus particulièrement, deux sujets ont retenu notre attention :

la clarification de la notion de « partage de frais » : un décret pourrait préciser cette notion, très souvent débattue et parfois incomprise, en droit des transports. Il serait intéressant de voir si les éléments de définition au sens du droit fiscal (voir notre article sur l’instruction du 30 août 2016 concernant la co-consommation) sont repris. Nous espérons une définition plus large permettant d’englober plus de modèles économiques mais regrettons que cette notion soit limitée aux voitures (nous militons pour une notion de « partage de frais » pour les personnes et les marchandises ainsi que pour tout moyen de transport afin de sécuriser les modèles économiques innovants de la mobilité).

l’ouverture des données de covoiturage : dans le prolongement du mouvement initié par la loi Macron (lequel a été limité car le décret d’application n’a jamais été publié) et le règlement européen (UE) 2017/1926 du 31 mai 2017 relatif à la mise à disposition de services d’informations sur les déplacements multimodaux, la LOM devrait imposer de nouveaux standard en matière d’ouverture des données de transport. Nous espérons que cette ouverture sera la plus large possible car l’accès à ces informations conditionne notre capacité future pour créer les modèles de la mobilité de demain.

Appréhender les innovations dans le transport de marchandises

Depuis l’explosion du secteur numérique (voir par exemple, notre article sur les enjeux juridiques du transport de marchandises), le transport de marchandises est le parent pauvre des réformes législatives. Souvent jugé trop technique ou trop éloigné des préoccupations quotidiennes des français, il s’agit pourtant d’un domaine (le transport de marchandises et la logistique) où le besoin d’innovations est criant et où les opportunités sont nombreuses (le numérique permet de mobiliser des segments de marchés jusqu’à présent non rentables).

À la fin du mois d’avril 2018, le député Damien Pichereau a rendu un rapport intitulé « Pour une meilleure régulation et des usages maitrisés » concernant les véhicules utilitaires légers. Si ce rapport nous semble orienté vers une importante augmentation des contraintes sur les acteurs du numérique (on peut d’ailleurs être surpris qu’aucun « acteur numérique » n’ai été auditionné dans le cadre de la mission de ce député), il a au moins le mérite de positionner le sujet sur le devant de la scène.

Nous souhaitons que la LOM soit un véhicule législatif contenant des dispositions spécifiques sur le transport de marchandises afin de sécuriser les modèles innovants du secteur et que le tournant « conservateur » esquissé par le rapport Pichereau ne soit pas suivi (par exemple, il ne fait aucun sens juridique ou business d’imposer à toute plateforme d’être commissionnaire de transport car cela dépend de chaque modèle économique).

Consacrer la mobilité autonome

Les enjeux juridiques concernant les véhicules autonomes (qu’il s’agissent de ceux transportant des passagers ou manipulant des objets/marchandises) sont au cœur de cette mutation technologique majeure (voir un panorama détaillé et une interview à ce sujet sur « Tech and Co » de BFM Business).

Après la publication d’un décret le 28 mars 2018 concernant l’autorisation d’expérimentation de véhicules autonomes sur la voie publique, la LOM devrait créer un cadre règlementaire propre pour le véhicule autonome (y compris pour les véhicules de niveau 5, c’est-à-dire complètement autonomes). Un rapport détaillé a été publié en même temps qu’Anne-Marie Idrac fournissait les conclusions de sa mission consistant à définir une stratégie concernant la mobilité autonome. Les actions pratiques sont précisées et listées aux pages 81 et suivantes pour mettre en œuvre une politique ambitieuse dans ce domaine.

Par ailleurs, la France militerait pour l’adoption d’un cadre juridique européen qui permettrait de construire cette filière industrielle au niveau de l’Union Européenne. Il nous semble impératif que l’Union prenne ses responsabilités en fixant les règles transnationales adéquates de nature à permettre aux entreprises européennes de rivaliser dans la compétition mondiale.

Droit du Partage vous tiendra évidemment informer des évolutions à venir.

Poster un commentaire

Classé dans Evolution du cadre juridique, Transport de marchandises, Transport de personnes

Quelle régulation pour les plateformes numériques ?

Ça y est, le(s) législateur(s) ont les yeux rivés sur les plateformes numériques et rien ne peut les en détourner !

Tout le monde veut prendre part à ce mouvement de régulation, de sorte que la Commission Européenne travaille à un cadre juridique spécifique (notamment avec la publication le 26 avril 2018 d’un projet de règlement intitulé « platform to business » qui contient d’importantes obligations de transparence et de loyauté à la charges des intermédiaires en ligne – article Droit du Partage à suivre) et que le gouvernement du président Macron planche à plusieurs mesures concrètes pour renforcer les obligations de ces acteurs (par exemple, Mounir Mahjoubi s’est prononcé en faveur d’un régime de responsabilité propre aux plateformes).

Mais n’est ce pas trop ?

Reprenons les choses d’un point de vue juridique pour bien comprendre :

1/ Les règles applicables aux acteurs du numérique trouvent principalement leur source dans la directive du 8 juin 2000 sur le commerce électronique (2000/31/CE) qui a été transposée en droit français par la loi pour la confiance en l’économie numérique du 21 juin 2004 (LCEN). De ces textes, interprétés par la jurisprudence, on peut tirer trois catégories (les fournisseurs d’accès à internet, les hébergeurs et les éditeurs) qui ont chacune leurs contraintes juridiques (notamment en matière de responsabilité).

2/ Le développement des plateformes numériques questionne depuis plusieurs années cette distinction traditionnelle qui parait aujourd’hui parfaitement inadaptée à ces nouveaux modèles économiques. Il en résulte donc une insécurité juridique problématique pour les entreprises qui exploitent ces plateformes car il est impossible de déterminer les contours exacts de leur responsabilité civile et pénale.

3/ En l’absence de nouvelles dispositions européennes/nationales, c’est au juge qu’il appartient de fixer les limites de la responsabilité et du rôle des plateformes. On assiste donc à la création d’un régime éclaté résultant de décisions de justice prises sur la base de situations factuelles contingentes à chaque dossier (les décisions ne fixent pas les mêmes règles selon qu’il s’agisse du Bon Coin, d’Alibaba ou d’Airbnb).

Quelles sont donc les options ?

La première, qui est la plus logique mais également la plus ambitieuse (sans compter que c’est également la plus longue à mettre en oeuvre…), est la révision de la directive sur le commerce électronique pour s’adapter aux mutations de l’économique numérique en fixant une nouvelle typologie des acteurs de l’internet. La seconde, qui est plus raisonnable mais qui pourrait être à l’origine de complications juridiques, consisterait pour la France à fixer des règles spécifiques aux plateformes numériques dans l’attente d’une harmonisation européenne. La troisième, qui selon nous n’est ni souhaitable ni réaliste, serait de ne rien faire et/ou d’imposer des contraintes excessives qui conduiraient à étouffer les initiatives business.

Il nous semble que c’est la seconde option qui est actuellement poursuivie puisqu’un régime juridique spécial aux plateformes numériques existe depuis 2015. Ces acteurs ont désormais des obligations qui leur sont propres avec la certification annuelle (qui va évoluer avec le projet de déclaration automatisée des revenus par les plateformes à l’administration fiscale), les obligations d’information et de transparence (imposées par la loi pour une République Numérique et ses décrets d’application) et la responsabilité sociale des plateformes vis-à-vis des travailleurs indépendants. Il manque cependant une règle qui puisse régir la responsabilité de ces acteurs et il nous semble important de prendre le temps de fixer une règle adaptée en tenant compte des différences entre les modèles économiques (il n’y a aucun sens à fixer les mêmes obligations à Uber, Blablacar et Le Bon Coin – nous avons proposé des critères juridiques de distinction pour fonder les grandes lignes d’un régime).

Ce sujet est fondamental car il permet de (i) sécuriser les entrepreneurs dans leurs entreprises et de (ii) permettre une adoption massive de ces nouveaux modèles en assurant la protection des utilisateurs (par exemple, concernant les conditions d’utilisation des services ou les données personnelles). Pour construire un secteur numérique fort, il faut que les règles soient adaptées aux modèles économiques et acceptées par les acteurs, faute de quoi l’innovation sera plus compliquée et les projets seront mis en oeuvre hors de France.

Droit du Partage continuera à suivre ces sujets pour vous.

Poster un commentaire

Classé dans Evolution du cadre juridique, Obligations et responsabilité des plateformes