Les faux avis sur Internet (1/3) – L’appréhension de ces pratiques par le droit

A la fin du mois de mai 2014, l’autorité italienne de la concurrence a ouvert une enquête contre Tripadvisor en raison d’une éventuelle « pratique commerciale incorrecte » relative aux commentaires (en août 2014, il a été révélé que des commentaires étaient encore déposés concernant un établissement fermé depuis plusieurs années[1]). Cette procédure a été initiée consécutivement aux plaintes d’hôtels et restaurants qui estiment que le site internet ne prenait pas les mesures adéquates pour lutter contre les faux avis de consommateurs.

Cette décision fait écho au licenciement, un an auparavant, du directeur de la communication du Groupe Accor en Australie qui avait lui-même publié de nombreux faux avis, laudatifs sur les hôtels du groupe et dénigrant sur ceux de la concurrence.

Ces deux exemples, qui ne sont que la partie émergée de l’iceberg, témoignent d’un mouvement de fond concernant les faux avis sur Internet.

Cette tendance est illustrée par le 4ème baromètre des faux avis de consommateur réalisé en septembre 2013 par Testntrust à l’issu duquel 83% des français interrogés considèrent que parmi les commentaires de consommateurs sur Internet certains sont faux alors que dans le même temps 86% affirment que les commentaires et avis sont utiles pour leur décision d’achat.

Un enjeu économique

Les commentaires et avis sur Internet permettent à chaque consommateur de donner son avis sur un bien ou un service afin de renseigner les autres internautes et de les orienter dans leur décision d’achat. Cette pratique est généralisée et concerne un très grand nombre de sites et notamment les sites sur les hôtels, les restaurants ou encore le e-commerce.

Face à cette généralisation de ce mode d’expression, et avec la liberté d’expression qui est inhérente à l’utilisation d’Internet, les avis et commentaires sont devenus des vecteurs primordiaux dans la décision du consommateur. Ces avis ont donc une importance essentielle pour les hôtels, restaurants, écrivains[2] ou vendeurs e-commerce puisqu’ils constituent leur vitrine et leur réputation qui feront leur fortune ou leur ruine.

Les acteurs impliqués sur ces sites se sont rendus compte de la puissance des avis de consommateurs qui sont prescripteurs pour les consommateurs. Se sont donc développées les agences de e-réputation, qui ont pour objectif de répandre des avis sur les différents sites où le produit est référencé, ou des entreprises de nettoyage des commentaires négatifs dans le but de conquérir toujours plus de clients. Ce faisant de nombreux avis de prétendus consommateurs sont postés chaque jours sur des sites Internet et nuisent, ou bénéficient, injustement à certains alors que le principe devrait être que seuls des consommateurs de bonne foi puissent contribuer (l’AFNOR a publié une norme visant à authentifier les commentaires, en savoir plus ici).

L’appréhension des faux avis par le droit

Chacun, qu’il soit auteur d’un commentaire ou visé par un commentaire, doit être vigilant face à ces pratiques afin de réagir de la façon la plus adaptée pour ne pas laisser une situation négative empirer et sauvegarder sa e-réputation.

Le principe est la liberté d’expression, ce qui permet à chacun de donner son avis sur une prestation ou sur un établissement. Cette liberté est créatrice de richesse puisqu’elle favorise les échanges spontanés entre les internautes et permet d’informer utilement les utilisateurs. Petites ou plus grandes impostures sur Internet, la liberté d’expression est contenue au sein de limites juridiques.

  • L’atteinte au bien ou au service : le dénigrement

Le dénigrement consiste pour une personne, un individu ou une entreprise, à jeter le discrédit sur les biens ou services d’une entreprise. Cette critique, réalisée dans le but de nuire à autrui, est un acte de concurrence déloyale qui engage la responsabilité de son auteur (Cour d’appel de Paris, 19 septembre 2001, SA NRJ c/ Europe 2 Communications).

Il a été jugé que le dénigrement est applicable pour la publication d’avis de consommateurs sur Internet. Ainsi, une société a été condamnée pour avoir jeté, par le biais de commentaires, le discrédit sur les produits commercialisés par une autre société (Cour d’appel de Paris, 19 mars 2008, n°07/02506).

Les commentaires et avis sur des sites Internet peuvent donc être constitutifs d’un dénigrement si les propos qui y sont tenus ont pour objet de critiquer le bien ou service, par exemple la qualité d’un hôtel ou d’un restaurant, dans le but de nuire à l’entreprise visée. Sur ce fondement, il est possible de solliciter une indemnisation pour obtenir réparation du préjudice subi du fait de ces commentaires (perte de clients, préjudice commercial, atteinte à l’image de marque …).

  • La tromperie : les pratiques commerciales trompeuses

Sont aussi sanctionnées par les articles L. 121-1 et suivants du Code de la consommation, les pratiques commerciales trompeuses en ce que ces pratiques altèrent le comportement économique du consommateur et n’indiquent pas la véritable intention commerciale de son auteur. Est ainsi présumée trompeuse, la pratique commerciale consistant à se présenter faussement comme un consommateur (article L. 121-1-1 21° du Code de la consommation).

L’auteur de pratiques commerciales trompeuses peut être condamné au maximum à deux ans d’emprisonnement et/ou à une amende de 300.000 euros (article L. 121-6 du Code de la consommation).

Lorsqu’un individu ou une société commente les produits et services d’un concurrent en se faisant passer pour un consommateur, il commet là une pratique commerciale trompeuse qui est répréhensible.

  • L’atteinte à la réputation et à la personne : la diffamation et l’injure publique

La loi du 19 juillet 1881 sur la liberté de la presse prévoit deux infractions pénales qui sont susceptibles de s’appliquer en présence de commentaires en ligne : la diffamation et l’injure publique. A la différence du dénigrement, ce n’est pas le bien ou le service qui est stigmatisé mais une personne en particulier.

La diffamation est définie par l’article 29 alinéa 1 de la loi de 1881 comme « toute allégation ou imputation d’un fait qui porte atteinte à l’honneur ou à la considération de la personne ou du corps auquel le fait est imputé« . Pour que l’infraction soit constituée il faut qu’intervienne publiquement (i) une allégation d’un fait précis (ii) visant une personne déterminée et (iii) portant atteinte à son honneur ou à sa considération. L’auteur de diffamation peut être condamné au maximum à un an de prison et/ou 45.000 euros d’amende.

L’injure publique est, en vertu de l’article 29 alinéa 2, « toute expression outrageante, termes de mépris ou invective qui ne renferme l’imputation d’aucun fait« . Il est donc nécessaire de réunir la preuve de (i) l’existence de propos injurieux ou outrageants et (ii) visant une personne déterminée. A la différence de la diffamation, l’injure publique n’exige pas un fait précis puisque le propos injurieux en lui-même suffit. L’auteur de l’injure publique peut être condamné au maximum à 12.000 euros d’amende.

Ces deux infractions peuvent être constituées en présence d’avis et commentaires qui stigmatiseraient une personne en particulier, le gérant d’un hôtel ou l’auteur d’un livre par exemple, en colportant des propos diffamant ou injurieux à son encontre.

A suivre, un article sur les réactions à adopter pour chaque acteur face à un avis sur Internet.

[1]      http://hospitality-on.com/actualites/2014/08/28/tripadvisor-fait-lobjet-de-nouvelles-accusations-en-italie/

[2]      On pense à l’écrivain R.J Ellory qui fait la promotion de ses propres romans avec des pseudonymes.

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4 Commentaires

Classé dans Autres secteurs (vêtements, food, stockage & location de biens meubles...), Evolution du cadre juridique, Obligations et responsabilité des plateformes

4 réponses à “Les faux avis sur Internet (1/3) – L’appréhension de ces pratiques par le droit

  1. Hugo

    Petite erreur dans le titre : « doit » au lieu de *droit*

  2. Pingback: Les faux avis sur Internet (2/3) – Les réactions à adopter pour chaque acteur | Droit du partage

  3. Pingback: Les faux avis sur Internet (3/3) – Les voies d’action pour lutter, adoptez les bons réflexes | Droit du partage

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